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Photo du rédacteurVéronique Marie Aubry

Taupe secrète

Dernière mise à jour : 30 juin 2019


« J’en suis certain, Monsieur le Commissaire, ce jour-là, je suis sorti de chez moi, il devait être aux environs de neuf heures. Ma femme et notre petit dernier venaient tout juste de partir pour faire quelques provisions aux Galeries.

Mais avant, elle m’avait laissé des consignes drastiques pour que je ratisse le jardin avant son retour, et, bien qu’un peu paresseux, je m’étais attelé à la tâche sans tarder, parce que, voyez-vous, Monsieur le Commissaire, ma femme est adorable dans l’ensemble, mais elle remue ciel et terre dès qu’elle est contrariée.

Enfin, tout ça pour vous expliquer que j’étais en train de travailler ventre à terre pour ne pas risquer son courroux, lorsque, par-dessus mon lorgnon, j’ai vu notre irascible voisin sortir de chez lui, l’air hagard et le cheveu en broussaille qui ne me disaient rien qui vaille.

Il faut vous dire qu’avec lui, il n’a jamais été possible de vivre en bonne intelligence. Il est d’une rare intolérance et ça fait des années qu’il nous fait vivre un véritable enfer. Très terre à terre et vindicatif, on ne peut grattouiller la moindre parcelle sans qu’il sorte de chez lui comme une furie et qu’il nous menace du pire. Les enfants sont terrorisés et obligés de se terrer, la plupart du temps.

Pourtant, ma femme, pas bêcheuse pour un sou, mais un tantinet sujette à l’utopie, avait bien tenté de l’amadouer pour trouver un terrain d’entente. Mais, rien à faire, ce fut un véritable dialogue de sourds et il était resté campé sur sa position, l’œil mauvais.

Il ne se passait pas un jour sans qu’il nous fasse subir une de ses délirantes inventions pour nous pousser à déménager. Jusqu’à ce matin-là, on avait tout vu, je vous jure, Monsieur le Commissaire : des pétards, des arrosages intempestifs, la tondeuse, la débroussailleuse, des grands coups de pelles… mais le fusil, ça, c’était vraiment la première fois !

Je me trouvais à peu près à hauteur de la rangée de topinambours, pas bien loin de la Bidouze, lorsqu’il a pointé son arme sur moi. S’il en avait eu, au moins un peu, j’aurais pu dire qu’il avait perdu l’esprit, mais l’heure n’étant pas à la franche rigolade, il m’a semblé plus judicieux de me retrancher dans le premier trou, pas perdu pour tout le monde.

Malheureusement, au même moment, j’ai aperçu ma petite famille qui revenait au logis. Je n’étais pas au top de ma forme, avec toutes ces émotions. Mais à l’appel de la chair de ma chair, mon sang n’a fait qu’un tour et je me suis précipité pour shooter dans le fou furieux de Came, chargé à bloc, et le faire trébucher pour le détourner de sa sombre trajectoire.

Mais, il était tellement enragé qu’il est resté planté là sans bouger d’un millimètre. Dans l’énergie incisive du désespoir, je me suis alors mis à lui mordre le mollet. C’est à ce moment-là qu’il a commencé à brailler en appuyant sur la gâchette.

La suite, vous la connaissez, Monsieur le Commissaire, myope comme une taupe, il a manqué sa cible et il s’est tiré une balle dans le pied ! »

©Véronique Marie Aubry – La Gazette de Mon palier



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